Boule à éponge
Nicolas Stevenart, orfèvre
Paris, 1724-1725
Argent
Département des Objets d'art, OA 9641
« Quelle aventure que ma vie ! Passer du fond des mers à une cage d’argent ajourée conçue par un maître orfèvre, cela n’est pas banal. Toutes les éponges ne peuvent pas se vanter de connaître un tel sort.
Je vivais tranquillement au large de Marseille quand on m’a pêchée. J’eus beau protester, après tout, je suis un petit animal, rien n’y fit. Adieu les douceurs de la Méditerranée, me voici réquisitionnée chez un marquis, excusez du peu.
Contrairement à moi, celui-ci n’aime pas vraiment l’eau, dont il fait rarement usage. Avec lui, le bain, c’est pour les grandes occasions, pas plus de quelques fois l’an. Pour se laver, il m’humecte, me frotte sur le mélange de cendres et de gras parfumé contenu dans l’autre boule, à côté de moi (on appelle cela du savon) et me fait glisser avec plus ou moins de vigueur sur les parties de son corps qu’il souhaite décrasser. Je ne sais pas s’il y prend plaisir. Quant à moi, que voulez-vous, il faut bien que je m’adapte à la condition qui m’est faite. Du moins prend-il soin de me laver après chaque incursion dans son intimité.
La pièce où il m’a enfermée regorge d’ustensiles et d’objets de toilette, bassins, fioles de parfums, pots à onguents, pots à fards… on se croirait dans une boutique d’apothicaire ! Entre les produits et leurs somptueux contenants en cristal, en céramique ou en argent, on ne sait plus où donner de la tête. Mais chut, le voici ! »