Scène allégorique
Flandres ou nord de la France, 1500-1535
Tapisserie : laine et soie
Département des Objets d'art, OA 11335
« Pourquoi devrais-je lui rendre son peigne et son miroir, à cette coquette ?
Qu’elle attende, j’en ai besoin moi aussi pour me coiffer !
Déjà que l’enfant a profité de mon inattention pour s’emparer de l’éponge et de l’aiguière !… Comment vais-je me laver ?
Vous n’en avez aucun besoin toutes les deux, regardez-vous ! Si grandes et si fines, avec vos vêtements somptueux et vos coiffures de rêve… N’êtes-vous pas déjà assez apprêtées ? N’êtes-vous pas assez belles ?
Ah, elle n’a pas fini de natter ses longs cheveux blonds autour du ruban brodé que je convoitais ? La belle affaire ! Elle n’a pas besoin de miroir pour cela, il lui a suffi de faire passer sa tresse devant, sur sa poitrine…
Pauvre macaque que je suis, quand me pousseront enfin de si belles boucles blondes ? Hier, je l’avoue, j’ai renversé le flacon de sang de chauve-souris que je les ai vues verser sur leurs cheveux pour en prévenir la chute. Je me suis dit que cela ferait peut-être pousser les miens…
On ne s’émerveille même plus de mes facéties tant mes semblables sont répandus dans l’Europe entière depuis que les Croisés ont ramené en Flandres mes arrière-arrière-arrière… oh, j’ai perdu le fil, ça fait bien trois cents ans !… Mais je connais tous vos secrets… Alors, n’allez pas me dire que vous ne faites aucun effort et n’employez pas moult lotions pour accrocher cette lumière à vos cheveux, je vous ai vues ! Et tous ces onguents dont vous notez les recettes dans votre livre de secrets, ne leur devez-vous pas l’éclat de votre teint ?
Ah, j’ai une idée : je vais jeter le peigne et le miroir dans l’herbe et pendant qu’elle se penchera pour les ramasser, je bondirai pour lui voler son éventail et je monterai à l’arbre ! Elle n’aura qu’à grimper si elle veut s’éventer ! »