Statue d'Ebih-II, haut dignitaire de la ville de Mari
Mari (Tell Hariri, Syrie actuelle), vers 2350 av. J.-C.
Albâtre, yeux incrustés de coquille et de lapis-lazuli maintenus par du bitume
Département des Antiquités orientales, AO 17551
« Chers visiteurs, j’aurais aimé vous saluer en akkadien, mais je sais que pour vous, ma langue est morte.
Je me plais bien ici, entouré de vieilles connaissances, sculptées comme moi dans l’albâtre… Sourire aux lèvres, les mains respectueusement jointes, je continue de prier Ishtar, la plus grande des déesses, celle qui peut tout exaucer.
Je m’appelle Ebih-Il, c’est gravé sur mon épaule droite. Vous voyez ces signes aux lignes en forme de clous ? C’est l’écriture cunéiforme, la plus ancienne écriture connue avec les hiéroglyphes égyptiens. Pendant des millénaires, elle a servi à transcrire les langues du Proche-Orient. On peut lire aussi que je suis « nu-banda », un dignitaire aux fonctions importantes, aussi bien sur le plan civil que militaire.
Assis sur un siège en vannerie, torse nu, je ne suis vêtu que de mon kaunakès, une étoffe imitant la toison d’un mouton, tellement réaliste qu’y figure même la queue de l’animal. Mon crâne est complètement rasé, mais l’entretien de ma barbe élégamment bouclée me demande beaucoup de soins. Mais c’est mon regard fardé qui, je crois, retient le plus l’attention. Pour lui donner cet air si vivant, le sculpteur a utilisé trois matières : du bitume pour dessiner le contour de l’œil, un coquillage pour en simuler le blanc, et du lapis-lazuli importé des contreforts de l’Hindou Kouch pour rendre le bleu profond de mes iris.
Quand je songe que les personnes aux yeux bleus descendraient toutes d’un seul et même ancêtre, venu du nord de la mer Noire au cours de la dernière période glaciaire, cela me laisse rêveur.
À chaque visiteur doté de cette particularité, par-delà les frontières culturelles, j’ai envie de crier : « Bonjour, chers cousins ! »