Statuette de colporteur
Allemagne (Dresde) ou France, vers 1700-1725
Ivoire, or émaillé, diamants
Département des Objets d'art, MR 3803
« J’en ai parcouru, des kilomètres, endurant bravement la pluie et la boue, vêtu d’un épais manteau, de bottes et d’un chapeau enfoncé sur la tête.
Il en va de mon métier, car je suis colporteur – je porte au col ma lourde malle grâce à des lanières en cuir passées sur mes épaules. Je grimace sous le poids de ma charge, mais, conscient de l’importance de ma mission, je sillonne les campagnes, allant de village en village.
Qui d’autre que moi pourrait fournir la majeure partie de la population, totalement délaissée par la puissante corporation des gantiers parfumeurs qui ne règne que sur les villes et les cours d’Europe ? N’a-t-elle pas droit elle aussi à des colliers, peignes, boucles de chaussures, petits miroirs, cosmétiques, onguents et eaux parfumées ?
Je suis un peu bonimenteur, je vous l’accorde, mais j’apporte aussi des remèdes. D’ailleurs, en plus d’être un parfum, l’eau de la Reine de Hongrie n’est-elle pas réputée prévenir la paralysie, la léthargie, l’apoplexie et l’hystérie, et aussi soigner les brûlures, les tumeurs, les contusions et nettoyer le visage ?
Ce qui est cocasse, c’est qu’un artisan de renom se soit inspiré de moi pour créer une miniature faite d’ivoire, de vermeil et de diamants. Ayant les plus humbles pour clients, je suis devenu une précieuse tabatière acquise par Anne-Marie-Louise de Médicis. Elle m’a transmis au futur François Ier d’Autriche avant que je n’appartienne à Marie-Antoinette qui m’emporta à Paris. Enfin, la Révolution m’a amené dans la vitrine de ce musée. Moi qui ai consacré ma vie à la démocratisation de la beauté, comment ai-je pu devenir cet objet de luxe ? »